Tribune. En réponse à une tribune de l’astrophysicien Aurélien Barrau, «Résistances poétiques», publiée lundi 21 octobre dans Libération, le politiste Nicolas Matyjasik prend la plume et défend lui aussi le caractère forcément politique de la poésie.
La poésie a tout à voir avec la beauté
Pas la beauté anémiée des académies
Ou la beauté de cristal
Mais la beauté qui surgit dans les ténèbres et les citadelles assiégées
La beauté de l’inquiétude
La beauté qui enivre
La beauté qui s’est confrontée, qui a dévoilé, qui a combattu
La poésie, c’est dire oui, c’est être pour
La poésie est la respiration de l’homme libre
Le premier millimètre d’air au-dessus de la terre
La poésie c’est la forme mais aussi l’imprécision
L’indicible, l’invisible
Une pratique de la subtilité dans un monde barbare
La poésie ne contemple pas l’éternel
Elle diagnostique nos devenirs actuels
La poésie est une fenêtre pour saisir le réel
La poésie est provocante
La poésie c’est rechercher l’être au milieu des autres
A la recherche d’une vérité intime
Rendre l’homme à lui-même
La poétique de résistance est politique
Ce sont les mots bien pointus comme des flèches
Mais aussi les images, les mythes, la couleur de nos rêves
Ralentir dans un monde qui accélère
Déconstruire dans un monde qui ne pense qu’à bâtir
Dire qu’une autre manière de vivre ensemble est possible
Qu’un autre imaginaire existe
Cet entêtement à ne pas se résigner devant l’injustice
Ne pas abdiquer face aux pouvoirs
Nous ne résisterons qu’avec cette lumière
Celle d’un espoir, d’un ailleurs
La poésie nous transporte, nous emmène à destination
Résister face à ces mitraillettes qui dégueulent
Au culte du chiffre et de la performance
Revoir les étoiles effacées par la pollution
Toucher à nouveau les lucioles
Voyages, visions de l’avenir, critiques de la société de consommation
La force du refus, de la dénonciation inutile et désespéré
Par sa résistance, elle assure notre liberté
Un continent, une nature, une beauté à explorer
Une poésie de la pensée
Qui ne sépare pas le rêve et l’action
Elever notre action comme notre morale
Ne pas être les esclaves martyrisés du temps
La poésie est un cri d’interpellation
C’est un amour, une tendresse, une fragilité
Troubler, enchanter, interroger
Accroître notre puissance d’agir
Montrer aussi les choses simples entre le crépuscule et le ciel
Les combats sont à mener avec Rimbaud, Char, Camus, Bataille, Pasolini, Glissant, Césaire, avec Tsvetaïeva ou Andréas-Salomé. Hölderlin aussi et ceux qui nous invitent à habiter poétiquement le monde.